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Fait chaud, mets la clim…

Dans notre société moderne, le confort immédiat prévaut souvent sur la sagesse, la climatisation est ainsi devenue une apparente solution au réchauffement climatique. Pourtant, son usage ne va pas sans soulever, selon moi, de véritables contradictions.

Mon système de référence, de plus en plus fondé sur les notions du taoïsme que mes pratiques m’amènent à étudier, m’a invité à cette réflexion :

Le Tao est « issu de » et enseigne la nature, que j’oppose à l’artifice.

Le Taoïsme enseigne l’harmonie avec les rythmes naturels du ciel et de la terre. La chaleur, le froid, l’humidité, le vent – tous sont des manifestations du Tao. Il semblerait que l’homme sage ne cherche pas à les fuir, mais à s’y accorder.

La climatisation impose un climat artificiel qui coupe le pratiquant de son environnement naturel. Cela va à l’encontre du principe fondamental de “ziran” (自然) – la spontanéité naturelle. Le Tao nous invite à ressentir la nature dans toutes ses variations et non à les lisser au nom du confort.

Documentation : Le Tao est intrinsèquement écologique, de Eric S. Nelson

Vent froid et régulation thermique

Selon la médecine traditionnelle chinoise (MTC), le vent froid est considéré comme un agent pathogène. Il pénètre par la nuque, le dos, les pieds, et perturbe la qualité et l’intensité de la circulation de l’Énergie vitale. Cela peut entraîner fatigue, douleurs musculaires, contractures, céphalées. Plus la température de l’air artificiel est éloignée de la température réelle de l’air et plus le système immunitaire du corps est amené à réagir.

Dans la pratique martiale, qui nous invite à cultiver l’énergie interne (Qi Gong, Taijiquan, Wing Chun, etc.), maintenir une température naturelle favorise une meilleure adaptation du corps, une circulation plus fluide de l’énergie, et une perception plus fine de nos états internes. Cela favorise une meilleure régulation thermique, qui s’exprime par des considérations physiologiques autant que énergétiques.

Ne pas favoriser l’adaptation c’est favoriser l’affaiblissement

La pratique martiale vise à forger un corps résilient, capable de s’adapter au monde et donc de le faire évoluer. Cela passe par une exposition aux variations saisonnières et une adaptation de nos activités et de leur rythme de pratique. L’organisme apprend à gérer l’effort par forte chaleur ou par grand froid, cela renforce le système immunitaire, la thermorégulation, et le mental.

La climatisation inverse ce processus : elle affaiblit la capacité d’adaptation en créant une dépendance artificielle.

« Aucun problème ne peut-être résolu au même niveau de conscience
que celui auquel il a été créé »
Albert Einstein

Respect du souffle, respect de la planète

Sur le plan écologique, la climatisation est une source majeure de consommation électrique, souvent alimentée par des énergies non renouvelables. Elle contribue au réchauffement global par effet indirect, et rejette des gaz à effet de serre (notamment les HFC : HydroFluoroCarbures, au pouvoir de réchauffement global + de 10.000 fois supérieur à celui du CO2). Au niveau mondial, la production directe et indirecte de CO2 de la climatisation a un impact supérieur à celui de l’aviation (1.000 Mt pour 950 Mt). (Sources : OWD et IEA). Une des solutions évoquées consiste à ne pas rechercher une température inférieure à 5°c à la température extérieure (ce qui revient en fait à supporter une chaleur de toute façon perçue comme inconfortable, autant ne pas mettre la clim).

Au sein de pratiques cultivant le souffle et donc l’énergie vitale, comment justifier l’usage d’une technologie qui nuit au souffle de la Terre ? Refuser la climatisation, c’est aussi affirmer une éthique écologique et responsable, qui pour moi doit être revendiquée par la voie taoïste contemporaine.

Tradition et discipline : un climat intérieur à cultiver

La chaleur est une difficulté, mais ne doit pas imposer des solutions pires que le problème. Une fois de plus, comme toute maladie, toute blessure, l’évolution du climat de notre planète pose des questions qui sont autant d’opportunités et d’invitations à cultiver notre droiture, notre conscience, notre discipline (au sens propre : que puis-je apprendre de ce que je vis, comment mon expérience fait-elle de moi mon propre disciple?)

Transpirer, respirer plus profondément, ralentir ses mouvements, apprendre à écouter son corps : le climat devient alors un partenaire pédagogique, non un ennemi à abattre ou pire, à nier.

La tradition martiale ne fuit pas la difficulté. Elle enseigne à trouver le calme dans l’inconfort, à transformer la gêne en force intérieure. Ce n’est pas en climatisant que l’on cultive l’endurance, mais en affrontant avec sagesse les conditions naturelles et en adaptant nos pratiques à nos réalités climatiques.

Pour conclure, refuser la climatisation n’est pas un retour au passé ni un dogmatisme écologique : c’est un choix cohérent avec une philosophie, une pédagogie et une vision du monde. En respectant notre environnement, et en fortifiant le corps sans artifices, nous marchons sur la voie du Tao – avec simplicité, constance et respect.

Mais alors la Clim, oui ou non  ?

Oui, bien sûr la clim, pour les situations exceptionnelles, pour les personnes en grande difficulté, pour les lieux dans lesquels elle est nécessaire…

Quelques liens pour faire avancer le schmilblick

https://www.liberation.fr/environnement/climat/climatisation-en-voulant-sadapter-a-la-hausse-des-temperatures-on-aggrave-le-probleme-20220616_5BM7D5CYQBD2JK7PQVQAP37P6Y/

https://reporterre.net/Refroidir-l-air-sans-rechauffer-la-Terre-le-defi-d-une-clim-ecolo

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-journal-de-l-eco/le-journal-de-l-eco-chronique-du-lundi-11-septembre-2023-8180443

https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/08/20/le-paradoxe-de-la-climatisation-de-plus-en-plus-necessaire-elle-aggrave-le-rechauffement_6185979_3244.html